vendredi 5 avril 2013

4 avril 2013 : Londres vol. 6

C'est une tempête de neige qui déferle dehors tandis que j'attends mon avion. Je suis au dernier jour de mon voyage, et pour donner un peu plus d'unité au tout Londres me quitte comme elle m'avait accueillie : sous les flocons.



Dernièrement je n'ai cessé de marcher. J'ai profité de la pointe de soleil qui s'est amenée avant-hier pour (dans le désordre) me balader dans Regent’s Park, prendre une photo sur Abbey Road, et quand même visiter le Museum d'Histoire Naturelle (la file d'attente n'étant plus qu'à un quart de ce qu'elle était vendredi dernier). Je me suis fait, tout en visitant, une liste mentale très utile. Note à moi-même, j'aime : les dinosaures, les grands squelettes d'animaux disparus, les animaux empaillés quand ils ont l'air de bouger, et les jeux où il faut tourner des manivelles et pousser des boutons. Je n'aime pas : qu'on m'explique des choses sur des écrans pour que ça ait l'air plus interactif (mais internet est né…), les squelettes de petits animaux que je pourrais moi même trouver dans la forêt, les crânes humains et dentitions de tout homme préhistorique, et enfin les joyaux en tous genre (ouais, ouais, ça brille… mais si on ne peut pas le porter je ne vois pas l'intérêt). J'aime surtout : les gamins qui crient quand ils voient la groooooosse baleine, les gamins qui se sentent tout drôles devant le squelette de diplodocus, les gamins un peu inquiets devant le stand “Même les lapins se recyclent” - lequel montre un lapinou tout doux manger des graines, puis la vitrine d'après faire caca partout, puis celle d'après tomber malade, mourir, se décomposer, devenir de l'herbe et se faire manger par un autre lapinou. C'était un peu beaucoup pour les plus jeunes (ou pas assez jeunes), surtout les propriétaires de lapinous tout doux. J'aime aussi les gamins qui n'ont pas encore compris que quand papi et mamie les emmenaient au musée, il y avait de fortes chances que sous prétexte de culture on ne puisse rien leur refuser. Il faut les entendre avec une voix toute timide demander dans la boutique “je peux avoir un caillou joli du stand là-bas?” (lesquels caillous coûtaient 1£, du vol je vous dit). -“Mais oui mon chéri.” - “VRAI?!!!” Et là c'est le moment redouté dont je me rappelle très bien, celui où il faut choisir entre le caillou rouge -ma couleur préférée-, ou celui qui est bleu mais plus lisse et tout froid dans la paume de la main. À moins de prendre le vert, c'est la couleur préféré de mon frère, peut-être que j'arriverais à le rendre jaloux (peine perdue, Marie, peine perdue)? Oh, et puis c'est décidément trop difficile, sans doute que si j'éclate en sanglots Maman m'aidera. Plusieurs gamins exécutaient sans mal la chorégraphie écrite depuis des années.
J'aime aussi, c'est vrai, ceux qui ont compris l'équation grands-parents + musée, et leur regard devant la glace de la taille de leur tête sur laquelle ils peuvent faire couler le chocolat bien noir (leur regard étant sans doute la première raison pour laquelle on a laissé le petit commander une glace de cette taille, la seconde étant qu'un des adultes de la tablée devra “se sacrifier” pour finir ladite glace)



Bref, je laisse les enfants là, avec les lions, les dinosaures et les baleines, et je vais me balader dans Regent’s Park. Ou plus exactement le traverser, car je déteste marcher pour n'aller nulle part. J'avais donc mis le cap´ sur Abbey Road. Il faisait beau, et 7°C, ce qui était et sera le record de la semaine. Je profitais de la balade pour penser à mon avenir.
Je crois que jusque très tard j'ai pensé -et pourtant il me semble qu'on a essayé de me prévenir- qu'être sans-emploi c'était pour les pauvres. Et je ne veux pas dire qu'être sans emploi te rendait pauvre -je ne nie pas l'évidence, bien sûr- mais qu'être pauvre te rendait sans emploi. Bien sûr, c'est en grande partie vrai, mais ce que je me disais par là c'est qu'une personne qui fait des études, qui aime ses études et n'est pas “en échec” devrait trouver un emploi dans sa branche. En fait, dans mon esprit naïf, le terme n'était pas “trouver” (qui impliquait qu'on l'ait cherché) mais “avoir”. Je me remets doucement de la réalisation que ce n'est pas, pas du tout, comme ça que ça marche. Je regardais autour de moi en me disant “là je vivrais bien, ou bien là”, je rédigeais mentalement des courriers à différentes boîtes de production, je réfléchissais à ce que mon professeur de Script-reading m'avait dit de faire… j'ordonnais mon avenir à base d'une grande quantité d'espoir, une quantité raisonnable de connaissances, et une quantité minuscule d'opportunités. Et j'enviais les enfants de tout à l'heure.
Et puis je suis arrivée à Abbey Road.
Là tout devient confus : j'ai fait les choses dans le désordre, sans logique, depuis trouver le Tardis (une cabine de Police bleue qui sert de vaisseau spatial à un Docteur du nom du Docteur. Who?) jusqu'à manger dans un restaurant libanais en passant par faire un tour dans le monde merveilleux et interminable du geek (ce monde ayant le nom de Forbidden Planet, “Planète Interdite”, et pourtant on y entre sans mal). J'ai aussi bravé la tempête de neige pour me rendre à nouveau à Camden Town, le marché-étable, mais qui le matin et dans le froid saisissant avait perdu une partie de son charme. J'avais décidé après cela de faire un tour dans Hyde Park mais c'était décidément impossible. Je suis aussi -enfin!- passée devant une Poste, où je me suis dit que j'allais pouvoir poster les lettres que je gardais depuis des jours dans mon sac. C'est donc à ce moment-là que je me suis rendue compte que les lettres avaient disparues. J'espère donc que l'âme charitable qui les aura trouvé les posteras -elles sont déjà écrites et timbrées…
Bref, mon séjour devenait bordélique, fait des miettes de ce que je voulais faire mais n'avait pas eu le temps de faire jusqu'ici. Je rayonnais à droite et à gauche, revenant toujours comme par enchantement vers les deux “cirques”, Oxford Circus et Picadilly Circus, qui constituent le coeur de Londres.



Et puis j'ai pris mes clics et mes clacs, j'ai balancé ma cape sur mon épaule, j'ai regardé une dernière fois vers le Tower Bridge…
Londres? Attends-moi.

mardi 2 avril 2013

1 avril 2013 : Londres vol. 5

Un dimanche et un jour férié à Londres, cela signifie la moitié des métros fermés (certains pour cause de réparations je dois l'admettre) et avec eux une bonne partie des magasins, restaurants et attractions en tous genres. Ajoutez une petite pincée de vent, passez le tout au congélateur, et vous avez quelqu'idée de ces deux dernières journées.
Elles m'ont donné l'impression de ne pas être aussi active que j'aurais dû l'être, de ne pas profiter assez…



Et pourtant hier j'avais déjà fait le tour de Notting Hill (j'ai cherché Hugh Grant dans la librairie qu'il tient dans le film, mais ils l'avaient remplacés par un jeune anglais de la même trempe), magnifique quartier résidentiel où tout est marqué du sceau tout anglais du calme et de l'élégance. Puis tout en mangeant la moitié d'un amalgame infâme de farine, d'eau, de jambon et de moutarde qui ose s'appeler un “sandwich”, j'ai visité les Churchill War Rooms, le labyrinthe étroit où plus d'une centaine de personnes travaillait avec Churchill à l'abri des bombes allemandes (sous 1m80 de béton, pas moins). Et puis pour fêter ma liberté retrouvée à la fin de la longue (et très chouette) visite, j'ai fait un tour à Covent Garden, histoire de trouver un café où me poser, lesquels étaient tous fermés en cette veille de jour saint. En désespoir de cause j'ai traversé toute la ville (en métro, en bus et à pied), très laborieusement, pour enfin mettre le pied dans un pub tout à fait charmant, tout en longueur et donnant sur un quai, où j'ai discuté quelques instants avec un Londonien du quartier, un jeune garçon légèrement trop propre sur lui, qui travaillait dans la finance.
Et malgré tout ça, activités et rencontres, j'avais l'impression d'avoir avant tout perdu mon temps. Entre les métros annulés, les bus détournés, les cartes amochées et moi-même pas futée il m'a semblé mettre plus de temps à me déplacer qu'à faire réellement des choses. Ce qui n'est pas tout à fait vrai maintenant que j'y repense…



Et ce matin les choses étaient parties pour aller de même. J'avais imaginé la City comme un quartier vibrant, ne connaissant pas les week-ends et encore moins les jours consacrés à la résurrection d'un sans-le-sous, mais de fait un premier avril, c'est une ville morte sur laquelle le vent vient siffler pour rappeler le silence. Le quartier n'est pas inintéressant, puisque s'y côtoient les bâtiments en pierre blanche de l'âge d'or des banquiers du 19ème siècle et les hautes tour en verre de l'âge d'or des financiers du 20ème. Ils se saluent de bas en haut, bien bas, bien haut, bien grands, bien gros, et je passais comme Alice, petite, au milieu des champignons. Le restaurant où je souhaitais aller était fermé, ainsi que le métro que je voulais prendre, ainsi que celui sur lequel je m'étais rabattue, et même les taxis étaient semblait-il de repos.



Je tremblais de froid. Toute entourée de mavcape rouge aux gros points blancs, c'est moi maintenant qui étais le champignon. Quelques stations de métros inutiles plus tard j'ai enfin mis les pieds près de la London Tower. Magnifique, mais surtout en plus du froid je tremblais maintenant d'excitation, en contournant la drôle de bâtisse, car j'allais voir un bâtiment que je n'avais pas vu depuis des années, et qui m'avais littéralement scotchée sur place la première fois : le London Bridge. Cartes postales, films, photos… Rien ne lui rend justice. Les deux tours trapues que des rubans d'acier retiennent au sol d'un côté et de l'autre de la Tamise sont inoubliables et, inexplicablement, elles me rendent heureuse. C'était le cas la première fois, ce fut le cas cette fois-ci, sans que je me l'explique tout à fait : juste une bouffée d'air et de plaisir, comme si ces deux tours solides lavaient votre esprit dans l'eau brune à leurs pieds.
Et puis quand on leur tourne le dos, tout s'échappe et tout revient. Je me suis posée au Docks Katharina, au bout du port, dans un magnifique pub très justement nommé le Dickens, pour manger en regardant toujours le pont au-dessus des bateaux. Je ne pouvais plus voir qu'une seule tour, et bientôt je tournerai le dos à celle-là aussi.



Mais un enchantement fit place à un autre, et je tournais le dos au Tower Bridge pour faire face -quelques métros et bus inutiles plus loin- à Camden Town, l'une des choses les plus étranges que j'ai vu de ma vie. Ce n'est pas tout à fait beau, pas vraiment laid, pas exactement kitsch mais certainement pas élégant. C'est bordélique, chimérique, unique… Fantastique. On l'appelle le Camden Lock, et c'est un marché. C'est, d'ailleurs, tout ce qu'un marché pourra jamais être. Une croisée des mondes à proprement parler. Les boutiques n'en finissent pas : rétro, pin-ups, vinyles, mais aussi raggae, indien, zen, ou encore tatouages, piercing, punk, futuriste… J'en passe des centaines. Tout ce qui peut être trouvé peut être trouvé ici. Mais l'architecture du lieu elle-même est incompréhensible. J'avais à peine fait quelques pas à l'intérieur du marché que j'étais déjà perdue. Les boutiques sont superposées, alignées ou tout simplement posées, là, sans raison apparente. Dans la partie “Stables”, les étables, les boutiques sont disposées comme des box d'écuries, tandis que des armées de chevaux en métal bondissent des murs et du sol, dans un mouvement puissant arrêté en plein vol mais qu'on perçoit encore dans leur musculature et leur crinière épaisse. Certains sont gigantesques, d'autres de la taille d'étalons existants. Ils vous regardent, ainsi fondus dans les murs et les pavés, faire des emplettes inutiles ou vous émerveiller de telle boutique ou de telle autre. Quand ce ne sont pas les chevaux qui viennent réclamer l'endroit comme le leur, ce sont les… Robots. Une large boutique du nom de Cyberdog regorge d'objets et de vêtements que je n'avais jamais vu de ma vie, du cyber punk sauce branché boîte de nuit : au programme des couleurs flashy, des coupes de vêtements qui n'existent pas (encore), des tissus synthétiques improbables, des accessoires qui brillent dans le noir, des maquillages criard et au sous-sol un sex-chop SM futuriste. Le tout sur fond de techno extrêmement forte qui pousse tous les clients au silence le temps de leurs achats. Dehors, juste en face, une boutique vous propose d'enfiler un costume pour prendre une photo de vous dans une tenue plus ou moins victorienne, façon gangster ou magnat, à vous de choisir. Mais rien ne peut rendre l'éclectisme du lieu, ni le labyrinthe qu'il représente la première fois qu'on y met les pieds. Il faudrait imaginer un faubourg de galeux et de prostituées à bord d'un vaisseau à la croisée des mondes et des époques.



Je ne me suis résignée à partir que quand autour de moi les boutiques ont fermé une à une. J'ai alors pris le premier car qui passait sans trop savoir où il allait me mener, et je suis montée sans manière au premier étage du bus pour regarder par la fenêtre, le bâtiment invraisemblable, le quartier tarabiscoté qui portait en son ventre le Camden Locke.



Il s'est trouvé que le bus que j'ai pris m'a mené tout droit à Notting Hill, clôturant parfaitement ces deux jours fériés en me renvoyant au début du chemin, puisque Pâques est une fête sous le signe du retour (et du chocolat, que j'attends toujours).

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