mardi 2 avril 2013

1 avril 2013 : Londres vol. 5

Un dimanche et un jour férié à Londres, cela signifie la moitié des métros fermés (certains pour cause de réparations je dois l'admettre) et avec eux une bonne partie des magasins, restaurants et attractions en tous genres. Ajoutez une petite pincée de vent, passez le tout au congélateur, et vous avez quelqu'idée de ces deux dernières journées.
Elles m'ont donné l'impression de ne pas être aussi active que j'aurais dû l'être, de ne pas profiter assez…



Et pourtant hier j'avais déjà fait le tour de Notting Hill (j'ai cherché Hugh Grant dans la librairie qu'il tient dans le film, mais ils l'avaient remplacés par un jeune anglais de la même trempe), magnifique quartier résidentiel où tout est marqué du sceau tout anglais du calme et de l'élégance. Puis tout en mangeant la moitié d'un amalgame infâme de farine, d'eau, de jambon et de moutarde qui ose s'appeler un “sandwich”, j'ai visité les Churchill War Rooms, le labyrinthe étroit où plus d'une centaine de personnes travaillait avec Churchill à l'abri des bombes allemandes (sous 1m80 de béton, pas moins). Et puis pour fêter ma liberté retrouvée à la fin de la longue (et très chouette) visite, j'ai fait un tour à Covent Garden, histoire de trouver un café où me poser, lesquels étaient tous fermés en cette veille de jour saint. En désespoir de cause j'ai traversé toute la ville (en métro, en bus et à pied), très laborieusement, pour enfin mettre le pied dans un pub tout à fait charmant, tout en longueur et donnant sur un quai, où j'ai discuté quelques instants avec un Londonien du quartier, un jeune garçon légèrement trop propre sur lui, qui travaillait dans la finance.
Et malgré tout ça, activités et rencontres, j'avais l'impression d'avoir avant tout perdu mon temps. Entre les métros annulés, les bus détournés, les cartes amochées et moi-même pas futée il m'a semblé mettre plus de temps à me déplacer qu'à faire réellement des choses. Ce qui n'est pas tout à fait vrai maintenant que j'y repense…



Et ce matin les choses étaient parties pour aller de même. J'avais imaginé la City comme un quartier vibrant, ne connaissant pas les week-ends et encore moins les jours consacrés à la résurrection d'un sans-le-sous, mais de fait un premier avril, c'est une ville morte sur laquelle le vent vient siffler pour rappeler le silence. Le quartier n'est pas inintéressant, puisque s'y côtoient les bâtiments en pierre blanche de l'âge d'or des banquiers du 19ème siècle et les hautes tour en verre de l'âge d'or des financiers du 20ème. Ils se saluent de bas en haut, bien bas, bien haut, bien grands, bien gros, et je passais comme Alice, petite, au milieu des champignons. Le restaurant où je souhaitais aller était fermé, ainsi que le métro que je voulais prendre, ainsi que celui sur lequel je m'étais rabattue, et même les taxis étaient semblait-il de repos.



Je tremblais de froid. Toute entourée de mavcape rouge aux gros points blancs, c'est moi maintenant qui étais le champignon. Quelques stations de métros inutiles plus tard j'ai enfin mis les pieds près de la London Tower. Magnifique, mais surtout en plus du froid je tremblais maintenant d'excitation, en contournant la drôle de bâtisse, car j'allais voir un bâtiment que je n'avais pas vu depuis des années, et qui m'avais littéralement scotchée sur place la première fois : le London Bridge. Cartes postales, films, photos… Rien ne lui rend justice. Les deux tours trapues que des rubans d'acier retiennent au sol d'un côté et de l'autre de la Tamise sont inoubliables et, inexplicablement, elles me rendent heureuse. C'était le cas la première fois, ce fut le cas cette fois-ci, sans que je me l'explique tout à fait : juste une bouffée d'air et de plaisir, comme si ces deux tours solides lavaient votre esprit dans l'eau brune à leurs pieds.
Et puis quand on leur tourne le dos, tout s'échappe et tout revient. Je me suis posée au Docks Katharina, au bout du port, dans un magnifique pub très justement nommé le Dickens, pour manger en regardant toujours le pont au-dessus des bateaux. Je ne pouvais plus voir qu'une seule tour, et bientôt je tournerai le dos à celle-là aussi.



Mais un enchantement fit place à un autre, et je tournais le dos au Tower Bridge pour faire face -quelques métros et bus inutiles plus loin- à Camden Town, l'une des choses les plus étranges que j'ai vu de ma vie. Ce n'est pas tout à fait beau, pas vraiment laid, pas exactement kitsch mais certainement pas élégant. C'est bordélique, chimérique, unique… Fantastique. On l'appelle le Camden Lock, et c'est un marché. C'est, d'ailleurs, tout ce qu'un marché pourra jamais être. Une croisée des mondes à proprement parler. Les boutiques n'en finissent pas : rétro, pin-ups, vinyles, mais aussi raggae, indien, zen, ou encore tatouages, piercing, punk, futuriste… J'en passe des centaines. Tout ce qui peut être trouvé peut être trouvé ici. Mais l'architecture du lieu elle-même est incompréhensible. J'avais à peine fait quelques pas à l'intérieur du marché que j'étais déjà perdue. Les boutiques sont superposées, alignées ou tout simplement posées, là, sans raison apparente. Dans la partie “Stables”, les étables, les boutiques sont disposées comme des box d'écuries, tandis que des armées de chevaux en métal bondissent des murs et du sol, dans un mouvement puissant arrêté en plein vol mais qu'on perçoit encore dans leur musculature et leur crinière épaisse. Certains sont gigantesques, d'autres de la taille d'étalons existants. Ils vous regardent, ainsi fondus dans les murs et les pavés, faire des emplettes inutiles ou vous émerveiller de telle boutique ou de telle autre. Quand ce ne sont pas les chevaux qui viennent réclamer l'endroit comme le leur, ce sont les… Robots. Une large boutique du nom de Cyberdog regorge d'objets et de vêtements que je n'avais jamais vu de ma vie, du cyber punk sauce branché boîte de nuit : au programme des couleurs flashy, des coupes de vêtements qui n'existent pas (encore), des tissus synthétiques improbables, des accessoires qui brillent dans le noir, des maquillages criard et au sous-sol un sex-chop SM futuriste. Le tout sur fond de techno extrêmement forte qui pousse tous les clients au silence le temps de leurs achats. Dehors, juste en face, une boutique vous propose d'enfiler un costume pour prendre une photo de vous dans une tenue plus ou moins victorienne, façon gangster ou magnat, à vous de choisir. Mais rien ne peut rendre l'éclectisme du lieu, ni le labyrinthe qu'il représente la première fois qu'on y met les pieds. Il faudrait imaginer un faubourg de galeux et de prostituées à bord d'un vaisseau à la croisée des mondes et des époques.



Je ne me suis résignée à partir que quand autour de moi les boutiques ont fermé une à une. J'ai alors pris le premier car qui passait sans trop savoir où il allait me mener, et je suis montée sans manière au premier étage du bus pour regarder par la fenêtre, le bâtiment invraisemblable, le quartier tarabiscoté qui portait en son ventre le Camden Locke.



Il s'est trouvé que le bus que j'ai pris m'a mené tout droit à Notting Hill, clôturant parfaitement ces deux jours fériés en me renvoyant au début du chemin, puisque Pâques est une fête sous le signe du retour (et du chocolat, que j'attends toujours).

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