dimanche 8 mars 2015

7 mars 2015 - Chicago vol. 5

Aujourd'hui, il fait 6°C dans les rues.

J'attendais le printemps comme jamais auparavant. Pourtant je pensais que le froid ne me touchait pas, que j'étais aussi libre ici par ce froid record que je l'aurais été n'importe où, tant que je le forçais à ne pas me toucher, tant que je me forçais à ne pas y penser. Tant qu'il n'avait pas d'importance.

Les gens à Chicago ont d'ailleurs par rapport au froid une forme de reddition : ils ne parlent jamais du printemps, ils n'attendent pas qu'il fasse bon. Quand on leur dit “quand fera-t-il plus chaud ?” Ils répondent toujours dans leur barbe un petit “un jour, je crois bien”. Ou “plus tôt que l'an dernier, si on a de la chance”. Les Chicagoans se préparent pour le froid comme s'il allait rester.
Ils se préparent ainsi pour tout. Tout est chez eux éphémère, et pourtant interminable.

C'est le sort d'une ville qui fut entièrement rasée par un incendie il y a moins de deux siècles et qui célèbre aujourd'hui parmi les plus grands, les plus beaux, les plus fantastiques immeubles du monde. Ce traumatisme-là est celui qui lui permet de savoir que tout est éphémère, mais que tout renaît toujours.

Aujourd'hui en sortant, le manteau ouvert et sans gants comme je ne pensais plus que ce soit possible, j'ai découvert une nouvelle Chicago, une Chicago avec des gens dedans. Je n'entends pas que jusque là personne ne sortait dans le froid polaire (après tout il faut bien vivre, surtout quand on n'attend pas que l'hiver se termine) : ce que je veux dire, c'est que j'en venais à voir les gens de Chicago comme une foule très… Indéterminée. New York me paraissait avoir du caractère, avec tous ses métissages, ses folies, ses humeurs. Chicago au contraire me semblait indéfinie. Quand j'y repense maintenant je me trouve bien naïve. Je vous le demande, à vous tous : quelle est la couleur des gens sous leur capuche ? Quelle est leur forme, dans ces manteaux ? Qui peut voir le sourire ou les pleurs derrière l'écharpe ? Qui reconnait vos mains sous leurs gants, vos yeux sous leurs lunettes ?

Chicago était pleine de gens cachés dans les carapaces moelleuses de leurs couches et sous-couches. Je redécouvre le Chicago des gens, tandis qu'à la faveur du soleil ils sortent doucement la tête de leurs coquilles.

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