samedi 30 mars 2013

29 mars 2013 : Londres vol. 3

Yay! Baby train !



C'est un joli gamin qui s'est écrié ça en s'écrasant sur la petite vitrine d'un train miniature au Science Museum. Ce qui se traduirait littéralement par “Ouais ! Un bébé-train !”
Je vous invite donc à bord de ce bébé-train pour visiter ma bébé-journée, une journée sans envergure, mais sans façons, qui n'en provoque pas moins l'enthousiasme. Pour ceux qui savent regarder.



On est neuf dans ma chambre, et j'étais résolue à faire une grasse mat´, c'est-à-dire à être la dernière levée. J'étais dehors à moins de neuf heures, donc, à me demander depuis quand les adolescents étaient devenus matinaux.
Je me rendais donc tranquillement au Musée d'Histoire Naturelle, quand je suis passée à côté d'une gigantesque file d'attente. J'ai dit gigantesque ? Oubliez : faramineuse. Je me demandais s'ils attendaient l'ouverture des portes d'une librairie pour acheter dès sa sortie un nouvel Harry Potter dont on ne m'aurait pas parlé. Ou si, ayant ressuscité John Lennon et George Harrisson, les Beatles s'apprêtaient à donner un nouveau concert. Il s'est avéré que la file était justement pour le Musée d'Histoire Naturelle. Donc, je récapitule : les adolescents se lèvent aux aurores et les gens se rendent en masse le vendredi, hors des vacances, au musée, pour voir des choses empaillées. Quelqu'un m'aurait-il envoyé sur Mars ?
Décidément mal réveillée j'ai passé mon chemin pour entrer au Science Museum. Trois petits bonhommes sur le Guide du Routard, c'est trois T noir sur Télérama, et pourtant : pas le début d'une file d'attente. Je rentre en me frayant un passage entre les gamins surexcités (quelqu'un a donc désinventé l'école ?), j'admire les gigantesques machines à vapeur, un gosse s'écrie “yay! A baby train!” et je continue ma route : des fusées, de folles inventions, ce que je croyais être des machines à tisser et qui s'avéraient servir à connecter les fils de téléphones dans les centres de redistribution, un repas composé d'un hamburger végétarien dégueulasse (oui, vous aussi vous trouvez que le temps passe vite ?), une rétrospective d'un mec qui est probablement le véritable inventeur de l'eau tiède (watt, donc), une large section sur la douleur (avec des interviews, dont celle d'un jeune homme qui ne peut pas ressentir la douleur et qui disait avoir passé son enfance à se frapper la tête contre les murs car il aimait la sensation de chatouille que ça lui faisait, jusqu'à ce que sa mère l'équipe d'un casque pour éviter que, je cite “il ne se fracasse le crâne”… Je doute que ça n'ait donné que de bonnes idées aux gamins du coin), une expo sur l'ADN, un stand où l'on peut apprendre que le cerveau humain est plus gros que celui d'un singe, et vachement plus gros que celui d'un rat (preuve à l'appui dans du formol)… Je dois dire que je m'ennuyais pas mal. J'ai fait un test “êtes-vous garçon ou fille ?” qui m'a révélé que j'étais une fille, parce que j'avais une bonne mémoire visuelle mais que je n'arrivais carrément pas à visualiser les objets en 3D. Forte de cette certitude j'ai continué à balader mes jupons, mais rien n'était passionnant, fantastique, merveilleux, renversant. Je regrettais l'exploratorium de San Francisco, il faut dire que j'avais placé la barre haut. Et puis j'ai commencé à avoir la bizarre envie de voir la lumière du jour, qui ne perce pas dans le musée. Ma matinée était passée comme une nuit, et j'avais envie qu'on me rende mes heures de soleil. Je me suis pressée dehors, immédiatement soulagée par l'air glacial.



Puisque c'est ça, je vais faire du shopping !



D'abord, je suis allée chez Hatchard´s, vieille librairie qui sent le bois et le papier, où je me suis achetée le Rebecca de Daphné du Maurier (je n'essaierai pas d'imaginer ce que j'aurais pu en faire si Hitchcock n'était pas passé par là) et une version signée de “More than you can say”. Je n'ai aucune idée de ce que c'est, mais c'était signé par l'auteur, acclamé par les journaux, et peu cher.
Je suis passée chez Fortnum and Mason, aussi nonchalante que possible dans le magasin chic et cher où un oeuf en chocolat coûte 15€. Tout y était snob. Même les cravates me regardaient d'un mauvais oeil, et pourtant, quand on est jaune poussin, on se la ramène pas. Pareil pour les porte-chaussettes ou les pantoufles brodées. Une bourgeoise italienne admirait un teckel en cuir -et j'avais quelques idées de ce qu'elle pouvait faire d'un teckel en cuir- et le vendeur lui a demandé d'un air malicieux si elle avait déjà trouvé des noms mignons à donner au petit animal raide. Là aussi, j'avais des idées.
Mais j'avais aussi mal aux pieds… je suis partie.



Puisque c'est comme ça, je veux du thé !



Tous les clients parlaient français, un sur deux avait un guide du routard sous le bras, et deux des gérants s'engueulaient au milieu des feuilles de thé sans élever la voix. Ils s'engueulaient en se disant des choses gentilles. Il disait “je suis vraiment désolé mais machine est malade et je ne peux pas être là demain, tu comprends bien.” Elle disait “je comprends bien, oui”. Il disait “tu es la seule qui puisse…”. Elle disait “eh bien alors je serai là demain.” Il disait “si ça doit te faire plaisir à ce point…”. Elle disait “mais bien sûr que ça me fait plaisir, tu penses bien que je n'avais pas travaillé assez cette semaine” et puis il disait “tiens, un cadeau pour toi” et lui laissait dans les bras un carton d'étiquettes à déposer sur les produits.
Je me suis dit que les gens étaient des artistes quand ils parlaient.



À Covent Garden, une femme chantait des airs d'opéra. Ça emplissait toute la verrière et parfois je me demandais si la voix ne venait pas d'ailleurs, d'un lieu plus profond, plus large, plus lisse et rond que la poitrine de cette femme. À côté de son panier où les gens jetaient des pièces de monnaie il y avait écrit “c'est moins cher que l'opéra”. De fait je voyais des rideaux rouges se plisser lourdement à ses côtés, et des luminaires de fin cristal scintiller au rythme des applaudissements.



Je n'ai pas résisté à entrer dans une boutique de luxe sous le prétexte que la vitrine indiquait que c'était les soldes. J'y ai essayé un manteau -et vraiment je ne sais pas pourquoi je me retrouve toujours à essayer des manteaux, je dois avoir pour les manteaux ce que les femmes sont réputées avoir pour les chaussures- …magnifique, donc, le manteau. De fait, il était en solde. L'inconvénient d'un manteau à 350£, c'est que malgré un cassage des prix évident il ne rentre toujours pas dans un budget raisonnable. Je faisais le calcul dans ma tête : 150£, ça fait dans les 200€… je préférais quand c'était en dollar! La cravate jaune de tout à l'heure me servait toujours en mémoire son sourire narquois. J'ai fini par reposer le manteau sur son cintre, rejeter ma fière cape new-yorkaise sur mon épaule (car je ne ment pas à propos des manteaux), et quitter le magasin comme un prince. Ce qui m'a pris une demi-heure. J'ai appris au Science Museum qu'il y a une phobie, appelée decidophobia (ce n'est même pas une blague) qui est la peur incontrôlable de devoir faire des choix. -insérer ici le rire sardonique d'une cravate de luxe-



Puisque c'est comme ça, je vais manger !



Je suis actuellement dans un restaurant italien du nom de The Jam qui, comme son nom ne l'indique pas, a des goûts en musique plutôt médiocre. Mais ça vaut bien le sacrifice auditif : les tables y sont joliment… Superposées. Pourquoi acheter de l'espace quand on peut mettre les tables les unes par dessus les autres et y accéder par des échelles? Il suffit ensuite de servir des repas de qualité et on attirera tous les français qui ont lu le Guide du Routard (et les autres). Bien joué en cas, bien enjoué tout ça ; et je clos par un bébé resto, tout petit dehors et tout grand dedans, une bébé-journée que quelqu'un d'autre regarde peut-être le nez collé à la vitre. Yay!

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