mercredi 10 novembre 2010

10 novembre 2010 - New York vol.31

Deux soirées…





Hier encore une fois, après les cours, j'ai marché sur les pas de l'allemande jusqu'à un café de Brooklyn qui n'est pas loin encore de se faire avaler par les deux diners en métal qui l'encadrent. Chaque table était éclairée à la bougie, et cette raison m'a suffi pour commander un Kir plutôt que la consensuelle bière, qui de toute façon sonnait froid dans ma tête. Un groupe s'est installé, mon amie était là pour eux et j'étais là pour elle, rien qui ne soit arrivé déjà un million de fois : sinon l'apéritif et les chandelles, c'était une soirée de jeunes sur une terre de jeunes.
La première note lancée par le bassiste a manqué de m'arracher le tympan. Envolées la douceur du Kir, des bougies, de la pénombre, de mon amie à côté de moi qui traçait son chemin au travers de son accent allemand pour faire sa commande… Même pas une note, même pas un pincement de corde : juste du bruit à m'en faire jeter mon verre, s'il n'était resté sur la table à vibrer à toute supposée note comme à chaque pas d'un T-rex s'approchant d'une bagnole.
Oh, voilà que les choses promettaient d'être difficiles ! Je me suis protégé les oreilles, et j'ai repris mon verre de Kir semblant qu'à chaque gorgée je ne sentais pas la vibration des basses remonter dans la même gorge que le liquide descendait. J'essayais d'être à la hauteur de la prestance de mon verre de Kir, d'avoir juste assez de contenance pour ne pas être insultante. Ils étaient ses amis, après tout, et même si ce Kurt Cobain homosexuel allait jusqu'à nous tourner le dos pour ne pas qu'on voit ce qu'il pouvait bien trafiquer sur sa pauvre guitare, je leur devait du respect… Et puis quand j'ai vu mon amie enfoncer des serviettes dans ses oreilles et se tourner vers moi en hurlant des mots insaisissables dont je ne percevais que la forme : “This. Concert. Is. Horrible.”, les choses tout à coup se sont détendues. Je ne retenais presque plus mon rire devant le ridicule de la chose : deux hommes devant 10 personnes avec assez de son pour une salle de 6000, détruisant les tympans de ceux qui n'ont pas encore fini leur verre, et donc ne se décident pas à partir. Quand il chantait, mon souffle était coupé comme s'il me donnait des coups dans le ventre, et je n'arrivais pas à retenir la grimace de pitié que de toute façon je lisais sur tous les visages.
Il fallait juste que je finisse mon verre de Kir, juste ça. Maudit Kir, je n'aurais pas pu prendre une pauvre bière comme tout le monde ? Non, maintenant il faut que je reste là et sirote mon apéritif à 9$ devant le remake sonore d'une explosion nucléaire…
Je buvais un peu vite, mais le duo braillait plus vite encore, et ils sont arrivés à la fin de leur court spectacle sans que j'ai eu l'occasion de reconnaître une chanson d'une autre (sinon quand les paroles passaient de “reste près de moi” à “je ne veux pas que tu t'en ailles”… véridique).
Quand ils ont terminé leur spectacle et qu'on m'a dégagé du costume de plomb des basses, je me suis rendue compte que j'avais oublié un léger détail : l'allemande était leur amie… Ils sont donc venu déguster leur apéritif en notre compagnie, et je chancelais entre l'envie de leur exploser à la figure, de me marrer ou de m'excuser platement. Toujours est-il que le chanteur-batteur-guitariste ne semblait pas me porter dans son cœur. Et de mon côté j'essayais d'avoir pour l'homme le respect que je n'avais pas pour le musicien, et de retenir la grimace qu'en véritable chien de Pavloff j'arborais à chacun de ses mots.


Aujourd'hui je cherchais un endroit où dîner qui ne serait à base ni de sushi ni d'Hamburger, et resterait sur le chemin de la maison. Je suis entrée dans une pizzeria (qui sont assez rares à New York) sans vraiment y penser. J'ai porté toute la journée un bonnet des plus bizarre qui, si je ne peut pas dire qu'il soit d'une beauté raffinée, a le double mérite d'être extrêmement chaud, et la moins discrète des choses que quelqu'un puisse porter sur sa tête. Cela a son importance. Je rentrais donc dans la pizzeria avec cette coiffe qui ferait pâlir Jamiroquaï de jalousie, sans vraiment prêter attention à l'espace que je pénétrais. Quand j'ai levé les yeux, tout le régiment des policiers à l'entraînement dans la rue d'à côté étaient là. Tous parfaitement identiques dans leurs uniformes, les mêmes matraques accrochées aux mêmes sacs, les mêmes coiffes et le même repas. J'ai été stoppée net par cette vision, mais je ne sais pas lequel de nous trente était le plus étonné. Trop drôle pour faire demi-tour, j'ai fait mon passage entre les matraques jusqu'au comptoir, ai été servie, et suis partie avec un sourire incrédule. J'ai embarqué ma part de pizza dans le métro avec la ferme intention de l'y dévorer. Je me suis donc assise entre deux grosses dames, mais une vision a détourné mon attention de mon ventre bruyant :en face de moi six personnes très différentes au demeurant, pianotaient chacune sur son Iphone sans se rendre compte de l'unité de l'ensemble. J'étais estomaqué. Certains devaient jouer, d'autres écrire un message, d'autres choisir la musique transmise à leurs écouteurs, mais d'apparence ils n'était que les duplicata colorisés d'une même image. L'un d'eux a seulement levé la tête un instant, attiré par la forme rocambolesque de mon bonnet, m'a fait un signe indécis, et s'est replongé dans son appareil.


Pizza enfin avalée, je suis sortie du métro quelques minutes plus tard pour voir une bande de jeune punks débarquer à la vitesse des gens sur d'eux. Deux butches vieille mode, des jean trop courts et des cheveux sculptés, des bisoux de plumes de babioles, je me fondais parmi eux comme rien.
A chacun son uniforme…





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