mardi 23 novembre 2010

23 novembre 2010 - New York vol.34



L'enchantement de la publicité ciblée. Il y a quelques mois, je discutais avec mes amis : de décor, de ce que j'aimerais faire, etc. J'ai finis par leur dire que la construction d'un décor pour un univers steampunk devait être génial. J'ai regardé leur tête s'allonger et, mieux que des mots des images, ai tapé “steampunk” sur Google images.

Quelques semaines plus tard, parmi les publicités de Facebook, je trouve cette annonce “steampunk event, à New York, le 21 novembre”. C'est ainsi que tout commence.


Avant-hier, donc, j'étais au Webster Hall pour ce fameux “Steampunk event”.


En supposant que mes lecteurs ne soient pas tous geeks, nantais, et ne jouent pas tous à Bioshock, je vais essayer d'expliquer ce qu'est l'univers steampunk. On appelle ça le rétrofuturisme, parfois. C'est une sorte d'univers parallèle inventé par, disons, des historiens fous londoniens. Imaginez le futur tel qu'auraient pu le voir les hommes à l'époque de De Vinci, de la machine à vapeur, des débuts bègues de l'aviation. Imaginez ce que la machinerie, la mécanique, avait de stupéfiant. Maintenant supposez que jamais le monde depuis n'a connu l'électricité, ou a fortiori internet. Au lieu de cela, il s'est développé sur des mécanismes compliqués de bois, de cuir et de métal. Vous devriez être proches des Machines de l'île (à Nantes), et si vous ne l'êtes pas… Approchez-vous.


Bien, maintenant que vous avez compris l'essence de ce monde imaginaire, comprenez ce qu'on en fait : on le célèbre. Des objets sont créés (le cuivre est le maître des matières dans l'univers steampunk), des vêtements sont portés, comme mode vestimentaire ou bien comme déguisement, des livres sont écrits, des films, des jeux… Cette mode me plaît car elle ne se réfère pas à des “règles” comme la plupart des univers (les vampires ne peuvent pas sortir la nuit, les elfes deviennent mortels s'ils se donnent à des humains, l'anneau c'est pas cool, etc.) mais à une esthétique. Elle, et elle seule.


Me voici donc dans le Webster Hall, me fendant un chemin entre les ailes de métal d'un aviateur ailé et les dix monocles à quatre épaisseurs, jusqu'à la première scène. Des femmes en crinoline riaient sur leur premier verre d'absinthe, pendant que le lapin d'Alice, bardé de montres à gousset, buvait le premier thé d'une longue série, puisque le thé était gratuit et à volonté (ai-je dit que Londres et son brouillard incessant est la ville steampunk par excellence ?). Sur la première scène, un accordéoniste à moustache retroussée jouait en observant de ses lunettes rondes une contorsionniste de 80 ans, laquelle n'avait plus de dents, se plier sur elle même à l'infini. A l'étage, les corsets les plus étranges s'amourachaient d'un champ de chapeaux haut-de-forme à fière allure. Quelques énormes pistolets de fer, de bois et de cuivre travaillés protégeaient les ventes de bijoux et de babioles curieuses : des hippocampes d'un centimètre dans des bouteilles de deux centimètres, des colliers de petits os, des montres à gousset dont la mécanique, bien sûr, est apparente…


Sur la scène, une longue et belle blonde jouait un violon couplé d'une oreille de cuivre, à la fois instrument et phonographe, dont le son était agréable. Un commandant et un aristocrate tout de blanc vêtus écoutaient patiemment un troubadour leur donner des conseils sur les différentes façons de boire de l'absinthe. Une jeune fille portait un masque à gaz en cuir et un panneau “free hugs” ce qui me faisait beaucoup rire. Et des centaines d'autres apparaissaient, disparaissaient derrière le comptoir d'absinthe. Un cirque de l'étrange donnait représentation devant cette cours des miracles bizarre, avec des tours de foire ancestrale : celle qui marche sur des sabres aiguisés, le forain qui plante un clou dans sa narine, la planche à clou, la danseuse du ventre avec un serpent pour collier, l'homme qui se libère de ses chaînes et d'une camisole de force en quelques instants, une strip- teaseuse en perruque… Aucun de ces tours -si je les avais vu en ville, dans une fête, ou même dans un cirque- ne m'aurait paru ni beau ni poétique. C'est de l'art de barbare, c'est le dernier souffle suffoquant de la foire aux monstres et des montreurs d'ours. Alors ces spectacles qui n'ont plus leur temps dans le nôtre le trouvent ici, dans ce temps déformé, étiré. Ils ont leur place devant ces Toulouse-Lautrec distordus. Et je les regardais, un cocktail étrange à la main (lequel s'appelle “anachronisme”, du fait de la rencontre inopportune de l'absinthe et de la vodka sur un lit de crème fraîche et de sucre), avec un certain plaisir cynique. Une pièce de théâtre se jouait dans l'autre salle, dont l'étrangeté n'avait d'égal que sa mauvaise interprétation. Deux strip-teases se sont déroulés pendant la soirée. L'un par un chap en nœud papillon et porte-chaussettes (ai-je parlé de Londres ?), et l'autre par une femme. Entre-temps, plusieurs petits concerts, ainsi qu'une cantatrice d'opéra qui ne cessait de répéter que c'était son jour de congé. Et puis un défilé de vêtements steampunk, à vendre bien sûr, hors de prix bien sûr, que je regardais d'un œil en louchant de l'autre côté de la pièce sur d'incroyables corsets rigides dont la finesse et la beauté narguaient tous les portes feuilles. Je dis bien tous, car il en aurait fallu trois pour approcher l'un de ces corsets.


Et pendant toute la soirée, une murder party se tramait, obligeant les gens à venir discuter les uns avec autres en demandant élégamment, en résumé, s'ils n'auraient pas eu le mauvais goût d'assassiner quelqu'un ce soir.
L'ensemble me plaisait énormément : pas de fautes de goût, si ce n'est celles qui s'assument, beaucoup d'idées, d'inventions, de rire, une salle steampunk décorée de bois et de cuir.


J'en suis sortie, j'ai acheté un hamburger au mexicain du coin de la rue en jugeant tout le monde rustre et sans saveur. A peine sortie, je voulais déjà rentrer à nouveau dans cette machine à voyager dans le temps. Mais il était 2h du matin, et j'avais du travail le lendemain pour écrire un texte pour mon prochain cours dont le thème est “écrivez une histoire qui se passe dans le futur ou dans un monde parallèle”. Bizarrement, j'ai quelques idées…





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