mercredi 28 mai 2014

27 mai 2014 - Toronto 2

Je regardai la ville de très haut, à travers les larges plaques de verre, comme d'un avion ou d'un hélicoptère, et ne trouvai de beau que les rayons dorés d'un coucher de soleil sur les îles à ma gauche, les Toronto Islands.



Je m'étais pourtant réconciliée entre temps avec la ville, à laquelle je ne trouve toujours aucun charme esthétique, mais qui sous les giboulets m'avait paru plus humaine. D'abord, parce qu'instantanément avaient fleuri les bottes en caoutchouc que les Américains portent à la moindre humidité : écoliers en shorts, hipsters tatoués, femmes sévères… les avaient enfilées en prévision de la prochaine averse. Ça leur donnait à tous un air de personnages de dessin animé. Et puis profitant d'une éclaircie j'étais allée avec mon amie au Marché du coin, où nous avions discuté quelques temps avec les vendeurs. L'un d'eux vendait de longues tiges vertes et fines qu'aucune de nous ne connaissions. Lorsqu'il nous en a donné le nom en anglais, nous n'étions d'ailleurs pas plus avancées. Il a alors entrepris de nous décrire la plante de laquelle cette tige était extraite, et sa description - qui à elle seule justifiait que nous lui en achetions quelques tiges - était celle-ci : ce sont de longues plantes droites avec des sortes de hot-dogs plantés au bout.



Je vous laisse dix secondes pour vous faire une image mentale.



Nous voyant plus hébétées qu'auparavant, il nous a alors montré sur son téléphone une photo de… Jongs. Je ne doute pas du fait que quand nous goûterons nos longues tiges en salade nous aurons aussi bien l'image de la plante des marais chère à Lafontaine que celle de “hot dogs on a stick”. J'aimais aussi de lui - outre son talent pour la métaphore - son empressement bavard, fidèle à une certaine image du commerçant de Marché, à nous raconter comment ses produits se trouvaient sur cette table, comment il fallait les consommer, au cours de quelles aventures il les avait découverts, et ainsi de suite.



Quittant là jongs, miel, épinards et sirop d'érable, nous sommes rentrées à la maison sous un ciel qui commençait enfin à s'éclaircir, nous arrêtant au passage dans quelques unes de ces jolies boutiques hipsters qui longent toute la rue “Queen”. Queen Street, où mon couple d'amis habite, est d'ailleurs une des rues centrales de la ville, dont elle se partage le statut avec… King Street, deux rues plus bas.



Et c'est donc après cette petite journée à naviguer entre les gouttes que je me suis rendue seule dans le centre ville, à observer gens et buildings tandis que le soir approchait. Quelques fois Toronto me fait l'effet étrange d'être par rapport à New York dans cette “Uncanny valley” qui met les gens mal à l'aise. Les taxis ici sont orange et vert, mais tout le reste est si familier que ce pourrait bien être une vaste blague. Je m'attendais presque à voir surgir d'un coin de rue le photographe de “Humans of New York” dont je trouve le travail incroyablement simple et poétique, et dont je regarde toujours photos et textes quand je suis en mal de la ville américaine. J'imaginais ce que je dirais s'il était là avec son appareil, et ce que devait être sa journée. Mais je ne suis pas à New York, il suffit de lever la tête pour s'en rendre compte : les immeubles de verre sont seulement des tours, où ceux de New York racontaient des histoires. Je me décidai à monter en haut de la gigantesque CN Tower pour voir tout ceci de haut, et c'est là que le soleil m'attendait pour le border, le reste de la ville étalée sans langueur devant mes yeux.

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