jeudi 29 mai 2014

28 mai 2014 - Toronto 3

En l'espace de deux semaines, j'ai assisté à deux des spectacles populaires les plus beaux du monde : à Montréal, je me suis rendue au Cirque du Soleil ; à Toronto, j'ai profité de la comédie musicale du Roi Lion.



Si ces spectacles me paraissent magiques, c'est qu'ils ont ce pouvoir extraordinaire de suspendre jusqu'à mon jugement. Je n'ai pas le loisir ou le besoin de me demander si j'aime ce que je regarde ou non, de chercher l'implication sociale de tel choix esthétique, d'analyser le sens profond des chorégraphies : pour le meilleur et pour le rire, ces spectacles font le branchement direct des yeux à l'émotion. Je ne vois d'ailleurs rien d'humiliant à court-circuiter un peu la pensée de temps à autres, quand cela permet d'atteindre cet état difficile que j'ai eu la chance d'expérimenter deux fois déjà durant ce voyage : l'émerveillement. Au Cirque du Soleil, je me rendais compte après coup, devant des spectacles d'équilibristes ou de contorsionnistes, que j'avais la bouche ouverte, dans une attente toute dévouée à la beauté suivante. Quels que soient d'ailleurs leurs capacités techniques et leurs records personnels, seule la beauté miraculeuse de leurs gestes me touchait, une beauté particulière émergée de l'impossible, la même beauté qu'avaient les oiseaux avant les avions, la beauté poétique de la science-fiction pour les rêveurs, des super-héros pour les idéalistes, des contes de fées pour les enfants.



Ces hommes et femmes font curieusement sens de leurs corps, qu'ils en utilisent la force, la souplesse, la rapidité ou la finesse pour voltiger ou se donner l'apparence d'animaux de la savane, tandis que partout ailleurs, chez le commun des mortels complexé jusqu'à la moelle, tout est question de regarder son corps et de ne pas y trouver une définition suffisante, de ne pas maîtriser exactement tout ce qu'il devrait dire, d'entrer dans des guerres et réconciliations incessantes, plutôt comme deux siamois doivent parfois se mettre d'accord pour seulement vivre, par la force des choses. À notre malédiction quotidienne de l'incarnation, ils viennent nous répondre par leur pouvoir de l'incarnation, et c'est tout un monde qui s'éclaire.



De fait, d'une émotion et d'un corps, ils font un homme, un public, quelque chose d'un peu plus humain en sortant qu'en entrant. Peut-être pas pour toute la vie, quelques heures seulement, sans doute quelques semaines, mais juste assez longtemps pour que ça compte, d'être allé voir un grand spectacle.

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