jeudi 18 août 2011

Jeudi 18 aout : Roumanie vol.10

Le monastere de Dragomirna en soi n'etait pas a la hauteur de mes esperences. Il etait une etape d'une longue serie, mais sa renovation nous a empeche, malgre le billet que nous avons paye plein tarif, de voir rellement l'interieur de l'Eglise. Photo-photo-autostop, rien que de commun.


Nous sommes ainsi arrivees a Suceava, ville laide et industrielle, composee de longs boulevards de HLM et de vieux commerces ou, comme mangee par le beton tout autour, la petite eglise de Saint Dimitri nous a offert encore une fois le reconfort de ses parois entierement peintes. Reconfort perturbant toutefois car a bien y regarder chacune des vignettes sur les murs represente la mort d'un martyre religieux. Alors imaginez des disaines de saints, la gorge tranchee au sabre et dont les tetes aureolees, roulant les unes aupres des autres, donnent l'impression de tas de pieces d'or qu'un Mario ou Zelda viendrait recuperer plus tard. Ici un homme meurt sur un bucher. La, Judas se pend. Et ainsi de suite. Un instant j'aurais cru une parodie de fresque medievale, d'autant que dans l'entree nous sommes accueillies par un plafond decore des 12 signes astrologiques, chose unique au monde dans une eglise, et pour cause : je ne me souviens pas que la Bible ait dit quoique ce soit sur les Capricornes et les Balances, les Verseaux et les Cancers.

De Suceava nous avons vite decide de prendre le train pour Probota, dont nous comptions visiter le monastere. Il nous aura fallu seulement une petite heure de trajet et des que nous avons vu le panneau de la gare “Probota” nous sommes descendues, pressees par la controleuse qui ne voulait pas perdre une minute avant que le train ne redemarre.

Un moment qui m'a semble des heures nous sommes restees prostrees, sacs sur le dos, sans savoir que dire ou faire. Mais la seconde d'apres nous riions a gorge deployee. Il n'y a pas bien d'autres facons de faire quand vous vous trouvez comme nous dans une telle situation : nous n'etions nulle part. Reellement nulle part : aucune route, aucune habitation, aucun chemin, des champs a perte de vue et au milieu les rails se rejoignant a l'horizon d'un cote et de l'autre du petit panneau bleu “Probota” qui maintenant ressemblait a une blague. L'endroit n'existe pas sur la carte routiere, et pour cause, ni sur le guide du routard. Ni nulle part ailleurs je n'en doute pas.

Apres quelques minutes de desoeuvrement nous avons decide de longer un champs. Il semblerait que la chance ait alors rejoint notre equipage car nos pas nous ont mene sur un chemin de terre cabosse que nous avons remonte un moment. Et puis tout d'un coup devant nous : une charette. L'homme, accompagne de sa petite fille d'une dizaine d'annees, nous regardait de ces yeux noirs qu'ont par ici les villageois qui n'aiment pas les etrangers. Nous lui avons demande ou se trouvait le monastere : sur l'autre versant de la colline, a 3km. Rassurees, C. et moi avons repris notre marche. Mais la chance nous accompagnait toujours et ne l'entendait pas de cette oreille, de sorte que la charette en question allait dans la meme direction que nous et que pendant quelques minutes nous la suivions gaiement, chargees et fatiguees, mais motivees. Le spectacle de ces deux jeunes filles chargees comme des anes suivant au meme rythme qu'elle une charette tiree par un cheval vigoureux et conduite par un homme rigoureux a du paraitre trop cynique a cet homme aussi, car il nous a bientot fait signe de grimper. Sur le foin de la charette brinqueballante, j'etais une petite fille joyeuse que la promenade ne laisserai pas.
L'homme parlait beaucoup a son ch..mais ne disait pas un mot aux etres humains), et parfois il sifflait et soufflait en venant presser sa langue a l'arriere de sa bouche, ce qui est exactement ma facon naturelle de former les “s”, et je me disais que moi aussi, alors, quand je serai grande, je pourrai conduire des charettes.
Nous avons traverse le village, ou il n'y a pas une seule route mais quantite de charettes immatriculees (?!) et de vaches, de chevres et de dindons rentrant au bercail, pour enfin arriver au pied du monastere.

Les nonnes de celui-ci nous ont accueillies avec un sourire apaisant qui renouait avec l'idee que je me faisais de l'ordre religieux : le coeur tourne vers Dieu et les mains vers le prochain. Vous vous moquerez de moi si je vous decris encore fresques et tapis, alors je dirai seulement qu'apres Sucevita, c'est peut-etre le monastere qui m'aura le plus touche. Mais il a bien fallu repartir, alors que le soleil commencait a decliner, baignant l'eglise d'une lumiere a proprement parler divine alors que les nonnes chantaient leurs louanges.

La question etait de savoir comment repartir. Car la difficulte de ces villages de pas grand chose, c'est qu'ils sont entoures de beaucoup de rien. Ca protege du trop que l'on trouve partout ailleurs. Mais quitte a s'enfoncer dans le rien, et planter notre tente dans des limbes de verdure, autant faire les choses bien et tracer notre route aussi loin que possible avant que le soleil ne disparaisse definitivement. Nous avions vu assez de merveilles pendant la journee pour mediter tranquillement en regardant passer vaches et chiens errants, et de fait nous avions un bon rythme de marche. Nous avons depasse une famille dont les membres les plus jeunes lavaient la voiture sous l'oeil averti de la grand-mere, assise sur le perron au milieu de ses poules et dindons. Ces betes sont aussi laides et grosses qu'elles ont l'air stupide, et parce que C. aime surprendre personnes et animaux de reactions inattendues, elle s'est mise a imiter le dindon, les yeux gros, et le cou en avant, avec des bruits ridicules, tout en continuant sa marche. La vieille femme a alors eclate de rire de bon coeur et nous a demande ou nous allions. Nous avons repondu de notre meilleur accent roumain, et pour toute reaction elle est entree dans sa maison. Elle en est ressortie quelques secondes plus tard avec 4 enormes tranches de brioche a la puree de pavot qu'elle nous a tendues. Nous etions heureuses, avec en main notre petit dejeuner de demain, et avons repris la marche.

Nous avons alors croise deux jeunes et beaux italiens venus rendre visite a leurs familles. Une des charettes que nous avions croisees avait du leur parler de nous (du moins leurs conducteurs, je ne pretends pas encore que le foin et les chevaux parlent de nous a toute la Roumanie), car ils nous attendaient. Ils ont alors decide de nous mener en voiture a la gare la plus proche (a une demi-heure de trajet, 1 heure aller-retour pour eux). Ils sont meme alles jusqu'a nous aider a prendre nos billets a la derniere minute, courant a droite et a gauche avec nos sacs, a negocier avec le controleur et a faire monter nos sacs dans le train. Cette pure gentillesse, jointe a ce sourire dont ils ne se departissaient pas, nous a desarmees. Tant d'effort juste pour nous aider (et sans doute un peu par ennui, mais qu'importe), c'etait le clou de la journee !

De la gare, un taxi nous a mene a l'hotel ou nous avons palabre longtemps sur les hommes bons et les gentils et tous ces gens qui nous ont file un coup de pouce. Ca nous donnait un air beat un peu ridicule, et honteusement on se mettait a croire que l'homme est essentiellement bon.



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