vendredi 24 septembre 2010

24 septembre 2010 - New York vol.14

Ce soir, je suis allée voir un concert de Porcupine Tree. Seule. Au Radio City Music Hall, une salle qui a jusqu'ici attiré plus de spectateurs que la population des Etats-Unis… c'est dire.
Il faut savoir que ce groupe est un tout nouvel amour pour moi. J'ai écouté cette chanson dans le train “Arriving somewhere”, et ça a été le coup de foudre. Depuis on se cherche, on se frôle, mais c'est tout nouveau-tout fragile…
Alors je suis allée à ce concert, bien sûr dans une salle exceptionnellement grande et bondée, et j'observais le public avec sans doute un air dubitatif : des couples de 45-50 que j'aurais pensé rencontrer lors un concert de blues partageaient leurs rangées avec de jeunes métalleux, quelques geek, et bien sûr beaucoup de célibataires trentenaires, ils sont quand même les actionnaires principaux de la ville de New York, que diable.


Et le concert à commencé. Le chanteur est venu nous annoncer qu'ils ne joueraient pas de morceaux de leur dernier album, mais qu'ils feraient un voyage dans le temps, en remontant en arrière au fil du concert. J'étais prête pour le voyage.
Les premières chansons étaient toutes en acoustiques. Cinq sur scène, regroupés, en rond, assis, ils nous racontaient cette balade et tout avait l'air d'un poème. Moi qui ne comprends pas la musique, qui ne sais jamais décider en musique de ce que j'aime et n'aime pas, comme si une malédiction m'empêchait de ressentir parfaitement, comme si ma sensibilité était sourde, je me sens sûre et claire et sensible quand il s'agit de littérature. Eh bien je vous assure que ces quelques morceaux étaient pour moi -à l'image de Arriving Somewhere- des textes. Il y a peu de paroles mais je me suis retrouvée plongée dans un univers de mots, une histoire dans celle-ci, un poème dans celle-là, et dans celle-là encore une déclaration. Bien sûr ma solitude avait ouvert ma sensibilité à tout ce qu'elle pouvait recevoir, mais je crois qu'un des plus beaux livres que j'ai lu ces derniers mois ce trouvait au sein de ces quelques chansons.


Ils se sont arrêtés cinq minutes, le leader donnant dans la petite plaisanterie (“nous revenons dans cinq minutes, nous avons besoin de plus d'électricité”). Et nous voici entrés dans l'heure électrique. Du rock un peu fou, un peu énervé, un peu poétique, un peu étrange. Il y avait Lazarus, que j'aime, que j'aime vraiment. Pourquoi ce sont les chansons les plus célèbres du groupe qui me touchent le plus ? C'est un hasard, vraiment, j'ignore leur célébrité quand je me rends compte à quel point elles sont faites pour moi. Alors pourquoi ? Parce que ce sont les plus touchantes, tout simplement. Donc il y avait Lazarus, et puis d'autres, bien d'autres que je découvrais juste, et au milieu beaucoup de choses étranges qui nous emmenaient sur d'autres planètes où les cœurs sont plus gros. Le son des basses et de la batterie résonnaient dans mon estomac et à ce moment-là j'ai commencé à avoir mal au ventre. Légèrement, puis plus fort. Impossible d'arrêter ce battement, à croire que la pédale de la grosse caisse était reliée directement à l'arrière de mon siège. Mais qu'importe, c'est beau alors on oublie, on essaie.


Ils se sont arrêtés dix minutes, chrono en main (c'est-à-dire sur écran géant), avant de commencer des chansons que je qualifierait instinctivement de rock électronique. Et là je ne sais si c'est la douleur, la fatigue, ou réellement la musique, mais je les ai perdu en chemin. Le luttais contre la douleur, et quand elle n'était pas trop forte je luttais tant bien que mal (voire très mal) contre le sommeil. Il y avait de l'originalité, mais plus de poésie, il y avait de la prouesse, mais plus de force. Les gens étaient heureux, et moi je retenais mes paupières de me voiler un tiers d'un spectacle qui avait été magique jusque là. L'écran géant balançait des images et des vecteurs à la cantonade, c'était devenu anarchique. Quand j'ai finalement réussi à convaincre mon esprit de faire fi de mon corps pour un peu d'attention, le concert était fini. Nous nous sommes levés pour demander le rappel, j'aurais presque hurlé de douleur…


…mais ils sont revenus sur scène et il nous a dit “nous n'avons plus de temps que pour une seule
chanson. Une seule. But what a fucking one (mais putain quelle chanson) !” Et ils commencé à jouer “Arriving Somewhere (but not here)”. J'ai oublié ma douleur, ma fatigue, et je les ai remercié de tout mon cœur de terminer ce petit voyage par la plus belle contrée qu'ils aient créé de leur plumes, cordes et baguettes. Cette magnifique contrée qui est quelque part, mais pas ici.


Je suis sortie du concert et mon ventre me disait “marche plus vite, encore plus vite, et assis-toi quoiqu'il t'en coûte”. Alors je me suis assise dans la station de métro à côté d'un beau jeune homme à l'américaine, je me sentais pâle, les dents serrées, peu aimable à vrai dire. Pourtant tout à son portable et sans même me jeter un regard il me demande “comment tu définirais le terme passif- agressif”. Et me voilà en train d'expliquer en américain à un américain un terme américain légèrement complexe dans son paradoxe, tout en prenant le métro et disant à mes boyaux de me lâcher un peu la grappe, ça suffit comme ça. Quand j'ai eu fini, il m'a demandé d'où je venais et m'a dit qu'il avait eu une petite amie française une fois. Est-ce que vraiment on peut draguer quelqu'un en faisant référence d'abord à un terme ayant trait à la violence, puis en parlant de son ex petite amie ? Il semblait le croire. Son visage d'acteur de teen-movie lui donnait une assurance si drôle et sympathique que j'en oubliais presque la douleur. Jusqu'à ce que je découvre qu'il était réellement acteur de teen-movie, et là ma douleur a complètement disparu. Oh si j'avais pu me moquer un peu ! Juste un petit peu. Mais il était adorable, ce garçon, je ne voulais pas heurter son ego… qu'il avait grand, d'ailleurs. On s'est échangé nos adresses facebook (la voie du futur, voyons, le portable c'est dépassé il n'y a plus que les malades et les pervers pour demander un numéro de téléphone) sous prétexte de notre réussite professionnelle commune à venir (il me parlait de ça à une distance qui commençait à ne plus être raisonnable et en me touchant le bras, c'était encore une fois maladroit et amusant), et il a quitté le métro comme un vrai acteur se doit. J'étais déçue cependant, son rôle aurait exigé que sa sortie soit accompagnée d'un clin d'œil. Dommage, j'aime les clins d'œil. Le reste du trajet en métro a mis fin à ma douleur définitivement.



Et puis rien à faire… j'ai vu un bon concert.


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