mercredi 29 septembre 2010

29 septembre 2010 - New York vol.17

… Et puis aujourd'hui en me baladant -je me balade beaucoup- je me suis dit que peut-être que quelqu'un pourrait lire ces dizaines de petites sensations en bouquet pas fermé, ce blog, et à la fin de la lecture refermer le livre bleu (ou, de votre point de vue orange) et dire “c'est à croire qu'elle n'aime pas New York !”
Ce serait possible. Et cela me rendrait très triste. Pour une seule et unique raison : j'adore New York. J'y adore les gens, la folie des grandeurs, les métissages incompréhensibles, leur faculté incroyable à faire de la vie un jeu (qui frise la plus parfaite naïveté… voire inculture, je l'avoue) ; j'en adore la poésie, et jusqu'à la façon dont la pluie fait briller la ville, de telle sorte que tout se reflète dans tout. J'y vois presque parfois la ville qui a construit et détruit des Kerouac, ou des Ginsberg. C'est d'ailleurs sans doute par superstition littéraire que je prévoie de clore mon séjour à New York par un détour d'un mois à San Francisco.
Aujourd'hui il y avait de la poésie dans l'air. La poésie, c'était ces centaines de litres d'eau qui se sont abattus toute la matinée. J'ai enfin compris pourquoi les boutiques new-yorkaises vendent toutes ces bottes en caoutchouc que nous avions étant gamin pour jouer dans les étangs, mais qui paraissaient hors sujet dans la vie citadine… pas à New York. La pluie y est franche, incessante et… volumineuse. Mes chaussures, qui s'étaient révélées à l'épreuve de l'eau en France, n'ont pas résisté vingt minutes au torrent qui m'est tombé dessus. Ma petite casquette noire pesait huit fois son poids initial et me tombait ridiculement sur le front, relâchant sur mes yeux de petites rivières, mon manteau en cuir n'avait pas réussi à empêcher l'eau de rentrer, mais l'empêchait maintenant de sortir, me laissant avec cette impression d'avoir enfilé une combinaison de plongée sur South Park Avenue. Ce qui allait bien sûr de paire avec le poids de ma paire de jean, qui aurait pu à elle seule ré-alimenter la mer, si enfin un courageux parvenait à la boire.
Et, moi-même rendue béate par autant d'eau et ma posture ridicule, j'ai pu voir que les new yorkais sont sous la pluie diluvienne comme ils sont sous le soleil : amusé. Quelqu'un un jour a dû décider que l'américain devait par nécessité être le plus grand, le plus encombrant, et sans doute le plus dangereux des enfants du monde, et chacun de ceux que je croise s'applique à respecter cette règle en se montrant à tout moment émerveillé (mais de façon tout-à-fait non romanesque ni poétique, seulement enfantine) et distrait par tout ce qui l'entoure. Et dieu que la pluie peut être distrayante ! Alors bien sûr j'ai eu droit à deux ou trois couplets de la part d'inconnus qui me regardaient par dessous leurs immenses parapluies pour rire un brin avec moi de nos airs de plongeurs. J'étais à la limite de tenter l'apnée, et l'eau coulait le long de mon nez et de mon menton, pour se frayer un chemin impudique le long de ma nuque jusqu'au bas de mon dos.
Je n'étais pas encore arrivée à mon école que je me suis arrêtée au Starbucks pour reprendre mon souffle. Un café et un muffin plus tard, je reprenais mon chemin sous le torrent incessant, totalement désarmée et infiniment réjouie.
Les réjouissances se sont estompées au fil de la journée puisque j'ai passé 9h30 sans interruption dans mon école, trempée tout le long, les pieds glacés, la climatisation à fond, le manteau si humide que je ne savais plus s'il me protégeait du froid ou s'il en était la cause. Le tout bien sûr sans avoir le temps de manger de toute la journée, sinon que voulez-vous il n'y aurait pas de challenge.
Mon dernier cours le mardi termine à 21h, et après cela la petite allemande (petite est un qualificatif qui me sert uniquement à exprimer mon attachement à l'égard d'une personne, je préfère le préciser parce qu'un jour quelqu'un pourrait dire “les américains et les étrangers aux États-Unis sont petits”, et cela deviendrait un stéréotype récurrent, tout comme “les français portent des T-shirts à rayures”, et ce serait ma faute)… Je disais qu'après cela la petite allemande m'a proposé d'aller boire une bière. Comme elle me l'a proposé en chantant, il m'était bien impossible, malgré le froid, la faim et la fatigue, de résister à l'invitation, et nous voilà achetant des bières et des gobelets à café dans le supermarché du coin, et buvant notre bière comme un chocolat chaud tout en marchant et en parlant de l'Amérique. Car il est interdit de boire de l'alcool dans la rue, ici. Il est même interdit de simplement porter une bouteille d'alcool à la main. D'ailleurs avant que nous n'ayons pu nous arrêter dans un coin sombre pour jouer nos graves délinquantes en versant le contenu de nos bouteilles de bière dans des gobelets de café, je portais la bouteille sous ma veste en cuir. Je lui ai alors fait remarquer que j'avais l'impression de dissimuler une arme sous mon manteau. Ce à quoi elle a répondu, avec le plus grand naturel “c'est ridicule, les armes ici, il n'est pas interdit de les porter dans la rue”. Et le cynisme des lois américaines de me frapper une nouvelle fois…
Nous voici donc dans la rue, je buvais ma bière comme une adolescente fume une cigarette dans les toilettes de son collège, et c'était drôle. Nous avons rejoint en marchant ainsi son petit ami new- yorkais. Elle me l'a plus précisément présenté en personne sous le titre de “mon magnifique petit ami”. Ce qui était vrai je l'admets, mais a tendance à laisser désemparé quelques secondes (dois-je rire ? dois-je acquiescer ? dois-je lui dire que le mien est mieux ?). Et nous avons continué notre chemin vers le cinéma. J'ai appris en chemin de la bouche de son petit ami que “le pire endroit de Harlem, le plus dangereux, se trouve entre la W125ème et la W146ème”… J'habite sur la W135ème. Je me disais, aussi… Et puis comme j'ai aussi appris d'une grosse dame au lavomatique que sur les 5 buildings que comporte mon immeuble j'habitais dans “le plus dangereux” (entendre le plus pauvre), la boucle est bouclée.
Nous sommes allés voir Howl, et quand je suis sortie, au moment de partir, le petit ami de la petite allemande m'a salué d'un “rentre bien, et ne te fais pas agresser” ! Tant pis si c'est la sixième fois en un mois que l'on me dit au revoir de la sorte, ils ne me font pas peur !

Et puis de toute façon, jeudi, je déménage.


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