lundi 6 septembre 2010

6 septembre 2010 - New York vol.5

J'ai mangé ! Je veux dire… pour de vrai ! Quelque chose qui n'avait pas uniquement le goût de graisse et la couleur de M&M’s !
Et en soi c'est toute une aventure.
J'étais partie à 2pm pour rencontrer mon prochain colocataire, et blablater avec lui de littérature et de philosophie, parce qu'il fait partie de cette classe intellectuelle New-Yorkaise (qui vit de jazz mais n'est plus beatnik depuis des générations) qui se targue d'un brin de connaissances et d'analyse. En outre ce n'est pas faux, et la discussion était très agréable. Je lui ai même pardonné, dans la ferveur de la discussion, d'être un si grand adepte de Platon. Il m'a pardonné de n'avoir jamais lu de Shakespeare… oui, je sais.
Et puis il expliquait que pour lui aux Etats-Unis il y avait New-York et le reste, ce par quoi j'ai pu juger qu'il n'y a pas de parisianisme qu'à Paris. Il faisait aussi partie de ces américains anti- américains, qui se confrontent quotidiennement à leur propre culture, mais deviennent bizarrement très patriotes dès qu'ils font face à une culture étrangère. Ma foi ce doit-être une position épuisante. Bref, il me disait d'un air très sûr, avec un brin de malice, qu'à New York on pouvait trouver la meilleure nourriture du monde (il l'a répété trois fois, le cynisme de mon regard a dû le rendre un instant méfiant), le tout étant de connaître, et d'y mettre le prix. Soit. Où ?
Comme il est New-Yorkais, c'est-à-dire gentil et serviable, il enfile ses chaussures et fait une partie du chemin avec moi en direction du supposé supermarché de mes rêves, où il y a de vraies choses à base de vraies choses. Il m'accompagne ainsi jusqu'à Riverside Park. Là il me dit “c'est bien simple, tu longes la berge, c'est de l'autre côté du parc, tu ne pourras pas le rater il est sur l'eau”. Eh bien soit je l'ai raté, soit il est sous l'eau. J'ai longé sagement le long parc au bord de l'eau. Des jeunes jouaient au Baseball, des gens faisaient du roller, du vélo, de la course, des familles étaient posées sur des transats devant des barbecues fumants, des petites filles jouaient avec des machines à bulle larges comme des raquettes qu'une petite fille en moi leur enviait joyeusement, des enfants en maillots se rafraichissaient sous les longs jets d'eau ou dans les petits bassins, des musiciens jouaient dans un coin… Il y a tant de vie sur ce parc ! Mais pas de supermarché.
J'ai donc abandonné les rives, et pris le métro pour aller bien loin de là jeter un œil au Dakota Building, où John Lennon a été assassiné. C'est un très bel immeuble, j'ai pris des photos de touristes sans grand intérêt, et remarquez que quand on est seul on ne reste pas des heures devant une belle chose. Puisqu'on ne peut en parler à personne sur l'instant on jette un œil, on se tord le cou trois minutes pour que le déplacement ait valu le coup, et on s'en va. Mais c'est un bel immeuble, vraiment.
Comme il commence à se faire un peu tard, j'ai une envie irrésistible de cinéma. Chez moi, ça vient comme la faim ou la soif : la repousser revient à la faire grandir.
Et bien entendu, sur le chemin du cinéma, à exactement 85 rues de là où il était censé se trouver, je trouve le magasin dont mon colocataire m'avait parlé. Il est plein à craquer, et l'intérieur me fait gentiment sourire : imaginez que c'est entièrement fait de produits français ou de terroirs (des fromages par centaines, des ristes d'aubergines, des ratatouilles, du poulet basquaise). Je suis dans un magasin bio. Et le bio à New York, c'est la France. Ceci dit j'y trouve aussi des indémodables non-français (des pâtes, de la bolognaise, des centaines de sauces). Et puis des trucs américains (j'en achète aussi, je suis là pour ça), mais de qualité : des cheese cakes, du pain à hamburger, des céréales du matin (je m'étais promis de tester ces ronds de toutes les couleurs que les petits américains mettent dans leur bol dans les films, mais au dernier moment j'ai été prise d'un souffle de lâcheté). J'ai aussi acheté chez le traiteur une aubergine fourrée aux légumes et au fromage (voyez rien qu'à en prononcer le nom je savais que c'était elle, elle seule que je cherchais depuis des jours) pour mon repas de demain midi. Cependant la cuisine de mon colocataire actuel est un tel mystère de saleté (c'est-à-dire qu'on ne parvient pas à faire la part de la saleté qui est en surface et de celle qui est incrustée dans les choses, et à ce titre tout est sale à peine sorti de l'évier) que quand bien même je me déciderais à y faire la cuisine, je ne saurais pas par où commencer. Je suis donc sortie de ce magasin bio (il faudra d'ailleurs m'expliquer pourquoi un magasin bio vous sert vos produit dans une poche en craft elle-même dans une poche en plastique…), et bien sûr un bien-être culinaire n'arrivant jamais seul, à la porte d'à côté se trouvait un petit restaurant sympathique où m'attendait une part de pizza aux brocoli, tomates et poivrons. Je mangeais sagement ma part de pizza, et sur la chaise à côté de moi, mangeant aussi une part de pizza, se trouvait une perruche de la taille de mon bras. Oui, moi aussi j'ai eu ce petit instant d'incompréhension. La propriétaire lui découpait des part de pizzas plus à sa taille (il se trouve que la grande et jolie perruche avait les mêmes goûts que moi en terme de pizza, ce dont je n'étais pas peu fière). Bon je ne peux pas dire par contre que les quelques clients, vraiment peu nombreux, et les serveurs aient été totalement froid à ce spectacle. Mais le grand oiseau s'en moquait comme de sa dernière ponte, il se tenait d'une serre sur le dossier de la chaise, et de l'autre portait son morceau de pizza, que son bec venait grignoter très régulièrement. L'oiseau ayant fini son repas avant moi, il est reparti sur Broadway avenue sur l'épaule de sa maîtresse sans un regard en arrière, me laissant avec un sentiment latent d'absurdité : New York est un très gros jouet.
Dans le métro, 4 asiatiques (je parie intérieurement sur des coréennes, mais c'est un fait je ne suis pas douée à ce jeu là) discutaient rapidement, et bien sûr en américain, de leur taille. Elles m'arrivaient presque au menton, et pourtant je suis déjà en format miniature. Elles disaient que leurs mères et a fortiori leurs grands-mères étaient encore plus petites, que chaque génération grandissait un peu. L'une d'elles, peu bavarde jusque là, lança “mais l'une de mes grands-mères faisait 1m75” et l'une de ses trois camarades de répondre “oui mais elle est blanche”. J'avais envie de leur dire qu'elles étaient rigolotes et que je venais de voir un perroquet de leur taille. Mais ça aurait paru méchant.
Alors je suis rentrée chez moi et j'ai mangé un minuscule morceau de brownie. Maintenant que je sais que je peux manger, je pourrai aller à ma première journée de cours le ventre en paix : R.I.P., Perroquet.



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